Le départ de Paul-Emmanuel si rapide, brutal, injuste et choquant, est à la fois une terrible déchirure et une grande espérance.

On pourrait se poser de multiples questions  qui malheureusement ne le feront pas revenir dans le monde des vivants.

Pourquoi alors que la veille il semblait si serein, heureux, épanoui a-t-il du aborder la mort seul et dans l’angoisse et la souffrance loin de ceux qu’il aimait et dont il aurait voulu la présence surtout à ce moment là ?

Un manque d’efficacité des secours alors qu’appelant le samu une ambulance est arrivée vraisemblablement une heure et demi après son appel et qu’eux même n’arrivant pas à le ranimer ont du appeler les pompiers qui ont constaté sa mort à 11h ?

Des erreurs dans son traitement médical durant des années, en prenant du médiator pendant des années, qui auraient conduit à une faiblesse cardiaque non perçue ou plutôt non révélée à Paul-Emmanuel pour ne pas l’alerter sur justement ses erreurs et leurs conséquences sur son espérance de vie ?

Ces questions resteront posées et probablement que toutes ont eu une cause dans cette dramatique matinée du 12 avril 2011… Elles ne peuvent qu’accentuer le sentiment d’injustice et de déchirure quand la veille encore à 22h30 Paul-Emmanuel semblant en pleine forme me parlait au téléphone de ce qu’il avait prévu de faire ce mardi 12 avril…

Sentiment de déchirure, d’injustice et de révolte quand le lendemain il a essayé de me joindre à 8h30 et que je n’ai pu trouver chez lui après l’appel du samu pour me prévenir à 11h que son corps sans vie allongé sur le sol.

Paul-Emmanuel était arrivé à une sérénité, une autonomie, et des  projets dans sa vie que jamais auparavant je ne lui connaissais. Le plus douloureux pour moi est de voir partir mon frère quand il me semblait au départ d’une nouvelle étape dans son existence. Tout était possible et envisageable pour Paul-Emmanuel en ce début avril 2011 jusqu’à la perspective de fonder une famille. Chacun de ses passages chez nous où il voyait grandir sa nièce Orliane lui donnait envie à lui-même d’être papa. J’ai d’ailleurs été marqué de voir sur son téléphone portable que le fond d’écran était une photo d’Orliane souriante.

Paul-Emmanuel était heureux dans sa maison, dans son autonomie. Il avait trouvé des raisons de vivre et un goût très prononcé pour la vie avec des projets d’avenir. C’est d’ailleurs ce que son médecin psychiatre m’a dit ce 13 avril, lui-même choqué par son départ et qualifiant la relation avec son patient qui était bien au-delà d’une relation patient-praticien, de conviviale, chaleureuse.

Alors que son statut d’handicapé psychique, si difficile à être compris, avait souvent conduit à une discrimination à son égard, un mépris souvent affiché même de personnes considérées comme proches le considérant comme quelqu’un aux facultés mentales diminuées et incapable d’assumer sa propre vie, alors que ses attitudes ont conduit Paul-Emmanuel a de grandes souffrances en particulier ces dernières années, il a pu franchir les étapes et engager un parcours vers le bonheur ou il a choisi lui-même les orientations de sa vie. Je n’ai pu être qu’admiratif devant sa prise d’autonomie ses derniers mois.

Si nous ne nous voyons pas un jour ce n’était pas sans de nombreux échanges téléphoniques ou Paul-Emmanuel me parlait de sa journée, comme si chaque journée il me faisait partager son existence quotidienne. Il était heureux dans sa petite maison. Il me disait encore samedi soir qu’il avait plaisir à se réveiller tous les matins au chant des oiseaux.  Chaque journée de ce printemps était un réveil heureux à la vie, sauf ce mardi 12 avril…

Paul-Emmanuel avait su tisser avec simplicité des réseaux  d’amitié et d’affection sincères. Dans une société ou souvent on constate que les amis ne sont pas vraiment des amis le jour où un coup dur arrive, Paul-Emmanuel lui avait créé et engagé des relations d’amitié et d’affection qui étaient solides, fortes, et votre présence aujourd’hui pour lui rendre un dernier hommage n’en est que le témoignage.  

Mais si nous sommes réunis dans la tristesse et l’effrois de son départ brutal et incompréhensible je voudrais terminer par ce que Paul-Emmanuel croyait.

Pour lui il y a un lien constant entre le monde du réel ou nous vivons, notre existence quotidienne, et le monde de l’après-vie, l’existence spirituelle que nous avons après la mort. Pour lui de part ce lien constant notre maman lui adressait parfois des signes, il voyait ses signes dans des situations apparemment anodines de l’existence. Je me souviens lui avoir dit être passé à deux reprises avec Orliane au même endroit à l’Ile Ste Marguerite et y croiser à la même heure dans le contour d’un sentier le même faisan. Et il a même dit « c’est peut-être un signe de maman ».

Paul-Emmanuel était persuadé d’un passage de notre existence physique à une autre forme d’existence au moment de notre mort. Il avait une spiritualité simple et profonde qui considérait que nous étions dans une continuité de notre personnalité dans le passage de la vie à la mort. Et même s’il avait un immense désir de continuer son existence terrestre en y engageant beaucoup plus d’amour, même s’il n’a pas voulu partir ainsi ce 12 avril 2011, ses convictions profondes (qui m’ont d’ailleurs toujours remis en question dans ma propre perception où j’ai plus tendance à mettre en doute ou à réfléchir avec la raison sur des situations qui sont en dehors du domaine de la raison) ; ses convictions profondes poussent aujourd’hui à l’espérance.

Paul-Emmanuel nous lègue une immense espérance qui est tout simplement qu’au-delà de la fatalité du drame et de la souffrance il y a l’espérance et l’amour. Sa propre existence terrestre trop vite arrêtée montre déjà qu’il était en marche vers cette espérance et cet amour. Même s’il est parti trop vite, trop brutalement, il nous conduit à espérer qu’au-delà de la souffrance il y a la paix et l’amour. Sa vie en est un témoignage, sa mort peut en être aussi un autre témoignage.

Au-delà des apparences, des limites de nos existences, la mort brutale de Paul-Emmanuel peut nous conduire à l’espérance. Et il me semble que ces deux versets de 1 corinthiens 13 disent parfaitement ce qu’il nous laisse en témoignage :

« Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu ».

«  Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance, l’amour; mais la plus grande de ces choses, c'est l’amour ».

 

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